La Muse du Peuple, ancêtre des miss ?

En ce premier mai, fête du travail, je suis tombé sur l’affiche de 1924 de la Muse du Peuple de Roubaix donnée en l’honneur de la fête du travail ! Et si c’était l’ancêtre des Miss ..?

Selon wikipedia, le concours Miss France remonterait à 1920, appelée à l’époque “La plus belle femme de France” sur l’idée d’un journaliste belge. On sait aussi qu’on trouve la trace d’une Miss Roubaix en 1903, Flore Barloy, appelée la Reine des Reines.

La premiere “Plus belle femme de France”, en 1920, baptisée ensuite Miss France. Alors

Mais on vient de trouver plus ancien encore !
En remontant les informations sur la Muse du Peuple, qui est une élection d’une jeune fille par sa corporation professionnelle, on trouve des extraits de Michelle Zancarini-Fournel, sur le site de Presse Universitaire de Rennes, la tradition des Reines des Blanchisseuses, et celle de la Rosière (jeune fille méritante recevant une couronne de rose, des prix et un prix de vertu, tradition datant de 1700 et quelques — qui perdure aujourd’hui selon wikipedia).

La reine des blanchisseuses est, jusqu’à la fin du XIXe siècle, représentante de ses compagnes de labeur. Elle est élue par ces dernières dans chaque lavoir. Il faut souligner que, pour des Françaises c’est, avant 1945, une des rares occasions de voter. Cette fonction fondamentale de représentation la différencie de la rosière choisie pour sa vertu et son mérite et de la miss, pour sa beauté et aussi des reines du travail du XXe siècle

Au XXe siecle, la cérémonie ouvrière devient plutôt une fête commerciale, ainsi baptisée Reine des Reines, avec défilé, carnaval, etc

Muse du Peuple de Chazelles sur Lyon. Source

Le 14 juillet 1900, à Saint-Etienne, ville ouvrière et récemment socialiste, une première Muse du Peuple par les ouvrières stéphanoises, choisie sur des critères de moralité et de beauté. Elle incarne le peuple travailleur et vertueux, versant laïque de la Rosière. L’idée est reprise dans plusieurs villes ouvrières en France. A Chazelles, on elit la Muse de la Chapellerie. Source.

Aux Muses succèdent les Reines du Travail, au printemps, avec une cavalcade, sur des chars ornés de fleurs, qui récompensent l’élection d’une meilleure ouvrière.

Le char des Reines du travail en mai 1928 (DR : archives municipales de Villeurbanne/Le Rize).

En conclusion, dit l’auteur : “il faut en effet distinguer la présentation publique et officielle des Reines dans l’espace urbain central – la Reine des blanchisseuses, la Muse du peuple ou la Reine du travail – qui, malgré leurs différences respectives, incarnent, dans des représentations de masse organisées par les élites politiques, un conformisme moral et politique, des réjouissances des blanchisseuses entre elles qui, le jour de la Mi-Carême montrent leur capacité d’agir en reprenant certains rituels comme la quête dans les rues de leur quartier, les déguisements, les chants et les pratiques alimentaires carnavalesques et en inversant ainsi temporairement le régime de genre”.

Bref, qu’une jolie jeune fille soit élue pour représenter la beauté, son métier, ses compétences, un idéal, est une longue tradition française ! Etait-ce un outil d’émancipation ? Dans une société patriarcale, ces concours permettaient de célébrer des jeunes filles méritantes surtout destinées à l’époque … à être bien mariée !


👉🏻 Voir aussi l’article sur les Miss dans la pop culture (2018)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *